Droits de douane pour les véhicules chinois : tout ce qu’il y a à en dire pour le moment

La Commission européenne a présenté les droits provisoires qu’elle envisage d’imposer aux véhicules électriques à batterie (BEV) fabriqués en Chine. Qu’est-ce que cela pourrait signifier pour l’industrie automobile ? Voici un point sur les réactions, les analyses, les pour et les contre

Les faits

Des droits de douane provisoires de l’UE pouvant atteindre 38,1 % pourraient être prélevés sur les véhicules électriques (BEV) fabriqués en Chine. Ces droits s’ajouteraient aux droits d’importation existants de 10 % appliqués à chaque unité entrant dans l’Union. Les constructeurs automobiles concernés pourraient donc se voir appliquer de nouveaux taux allant jusqu’à 48,1 %.

Ces nouveaux taux sont le résultat d’une enquête menée par la Commission européenne sur les subventions accordées aux BEV fabriqués en Chine. L’enquête a provisoirement conclu que « la chaîne de valeur des BEV en Chine bénéficie de subventions déloyales, ce qui constitue une menace de préjudice économique pour les producteurs de BEV de l’UE ».

La Commission est actuellement en contact avec les autorités chinoises pour tenter de trouver une solution. En cas d’échec, les droits provisoires seront introduits aux alentours du 4 juillet. Ils seront assurés par une garantie dont la forme sera décidée par les douanes de chaque État membre.

Une solution sera-t-elle trouvée ou des droits de douane seront-ils effectivement appliqués ? « Il est trop tôt pour le dire », selon Olof Gill, porte-parole de la Commission européenne, qui a répondu aux questions d’Autovista24. « Il pourrait y avoir une solution mutuellement acceptée si les mesures ne sont pas nécessaires – c’est-à-dire essentiellement si les subventions identifiées sont supprimées ou si les entreprises n’en bénéficient plus. »

Droits dérivés de la subvention

Un droit de 38,1 % est le tarif maximum à imposer en cas d’échec des négociations. Sur la base des éléments de preuve recueillis au cours de son enquête, la Commission a calculé des taux spécifiques correspondant au montant des subventions découvertes. Les droits provisoires calculés pour trois fabricants de l’échantillon, BYD, Geely (Volvo, Polestar, Lynk&Co, Lotus et smart, entre autres) et SAIC (MG et Maxus, entre autres), s’élèvent respectivement à 17,4 %, 20 % et 38,1 %.

D’autres fabricants de BEV coopérant à l’enquête mais non retenus dans l’échantillon peuvent être soumis au droit moyen pondéré de 21 %. Quant aux constructeurs automobiles qui ne coopèrent pas à l’enquête, ils pourraient être soumis aux droits maximaux de 38,1 %, auxquels s’ajouteraient les droits de douane existants de 10 %.

Droits applicables aux BEV fabriqués en Chine

Des marques comme MG et Maxus (SAIC) devront donc payer des droits d’importation de 48,1 %. « Si ce chiffre est encore loin des 100 % de droits de douane imposés par les États-Unis, un taux de près de 50 % aura toujours un impact considérable », commente Christoph Ruhland, Director Business Development chez Autovista Group. « Cela affectera le nombre, le prix et les stratégies des BEV dans l’UE. »

MG Europe a d’ailleurs tenu à manifester son opposition « à cette mesure commerciale protectionniste ».  Le constructeur estime qu’elle constituera « une barrière à l’entrée excessive ». MG fait part de sa profonde inquiétude quant à l’impact que les droits de douane auront inévitablement sur ses clients. « Une taxation aussi élevée aura également un impact négatif important sur la chaîne d’approvisionnement, l’innovation et la coopération sur le marché. »

Réaction chinoise : « Décision erronée »

Le porte-parole du ministère chinois des affaires étrangères, Lin Jian, a également fait part de ses commentaires.

« Cette enquête est un acte typique de protectionnisme qui ignore les faits et les règles de l’OMC. Elle va à l’encontre de la tendance générale et ne profitera à personne. Nous demandons instamment à l’UE de tenir compte des avis rationnels et objectifs des différentes parties, de corriger immédiatement sa décision erronée, de cesser de transformer le commerce en questions politiques, d’aborder correctement les frictions économiques et commerciales par le dialogue et la consultation, et d’éviter de nuire à la confiance mutuelle, au dialogue et à la coopération entre la Chine et l’UE. »

Pas seulement les marques chinoises

Ces taux ne s’appliqueront pas uniquement aux marques chinoises. M. Gill a confirmé que les entreprises basées dans l’UE qui produisent des BEV en Chine pourraient également être affectées. « Tous les droits s’appliqueront indépendamment de la propriété de la marque des véhicules, pour autant qu’ils soient importés de Chine », a-t-il en effet déclaré.

Réactions européennes : vive le libre-échange !

Et cela ne manque de faire réagir le secteur automobile européen. Et pas comme aurait sans doute pu l’imaginer la Commission.

« L’ACEA a toujours affirmé qu’un commerce libre et équitable est essentiel pour créer une industrie automobile européenne compétitive à l’échelle mondiale, tandis qu’une concurrence saine stimule l’innovation et le choix pour les consommateurs », a déclaré Sigrid de Vries, directrice générale de l’Association des constructeurs européens d’automobiles (ACEA).

« Ce dont le secteur automobile européen a besoin par-dessus tout pour être compétitif au niveau mondial, c’est d’une stratégie industrielle solide pour l’électromobilité. Cela signifie qu’il faut garantir l’accès aux matériaux essentiels et à une énergie abordable, à un cadre réglementaire cohérent, à des infrastructures de recharge et de remplissage d’hydrogène suffisantes, à des incitations commerciales et à bien d’autres choses encore. »

« La Commission européenne a raison de s’inquiéter de la compétitivité de l’UE en tant que centre manufacturier et des défis posés par les fabricants chinois, mais les droits de douane ne peuvent offrir qu’un répit temporaire et comportent le risque de représailles », a commenté Benjamin Krieger, secrétaire général de l’Association européenne des fournisseurs de l’automobile (CLEPA). « Le commerce mondial exige des règles du jeu équitables et peut nécessiter des mesures correctives. Toutefois, le protectionnisme ne peut être la solution pour restaurer la compétitivité européenne. Des efforts consolidés sont nécessaires pour rendre l’UE à nouveau attrayante pour les investissements. »

« Les droits de douane conduisent à de nouveaux droits de douane »

A la tête de BMW Group, Oliver Zipse s’oppose, lui aussi, à cette mesure qui toucherait quelques-uns de ses modèles. « Cette décision d’imposer des droits d’importation supplémentaires n’est pas la bonne solution. La Commission européenne porte ainsi préjudice aux entreprises et aux intérêts européens. Le protectionnisme risque d’enclencher une spirale : les droits de douane conduisent à de nouveaux droits de douane, à l’isolement plutôt qu’à la coopération. Du point de vue de BMW Group, les mesures protectionnistes, telles que l’introduction de droits à l’importation, ne contribuent pas à la réussite de la concurrence sur les marchés internationaux. Le libre-échange reste le principe directeur de BMW Group. Notre entreprise s’engage à respecter ce principe. »

Même son de clochez chez Stellantis : « En tant qu’entreprise mondiale, Stellantis croit en une concurrence libre et équitable dans un environnement commercial mondial et ne soutient pas les mesures qui contribuent à la fragmentation mondiale ». Il faut dire que Stellantis a créé une coentreprise avec les Chinois de Leapmotor qui sera distribuée en Europe d’ici la fin de l’année…

Leapmotor C10

« Dans l’esprit de l’OMC »

Idem chez VW et Mercedes-Benz !

« Le commerce libre et équitable et les marchés ouverts sont la base de la prospérité, de l’emploi et de la croissance durable dans le monde entier », a déclaré un porte-parole du groupe Volkswagen (VW) à Autovista. « Le timing de la décision de la Commission européenne est préjudiciable à la faible demande actuelle de véhicules BEV en Allemagne et en Europe. Les effets négatifs de cette décision l’emportent sur les avantages potentiels pour l’industrie automobile européenne et surtout allemande. »

Quant à Ola Källenius, PDG de Mercedes-Benz, il s’est lui aussi exprimé auprès d’Autovista : « Le commerce mondial équitable et surtout libre est très important, il stimule l’innovation et la croissance. Ce dont nous n’avons pas besoin, en tant que nation exportatrice, c’est de dresser des barrières commerciales. Nous devrions travailler au démantèlement des barrières commerciales dans l’esprit de l’OMC. »

Réduction des importations et…

« L’Institut de Kiel, un groupe de réflexion économique, a estimé que l’imposition d’un droit de douane supplémentaire de 20 % sur les BEV chinois réduirait les importations de l’UE de 25 % », a souligné M. Ruhland (Autovista). « Avec 500.000 véhicules importés en 2023, selon leurs chiffres, cela représenterait environ 125 000 unités. Ce nombre de véhicules représenterait une valeur de quelque 3,7 milliards d’euros) ».

Les chercheurs de l’Institut de Kiel prédisent que l’augmentation des droits de douane serait compensée par une augmentation de la production au sein de l’UE et une diminution des exportations de véhicules électriques. Certains constructeurs automobiles ont déjà commencé à délocaliser leur production en Europe.

Ce serait notamment le cas de Volvo Cars – selon le Times. La filiale de Geely aurait commencé à transférer la production de ses véhicules électriques fabriqués en Chine vers la Belgique avant l’annonce des droits de douane. De son côté, BYD envisage de construire une usine de voitures particulières en Hongrie, tandis que Chery prévoit une production en Espagne.

… poussée des prix après les droits de douane ?

Toutefois, « le déplacement du site de production entraînerait probablement une hausse significative des prix pour les consommateurs », analyse le responsable du développement chez Autovista, M. Ruhland.

Filiale de J.D. Power, Autovista a cherché confirmation du côté de l’une de ses sociétés-sœurs, Schwacke. « Un facteur important est la mesure dans laquelle les importateurs, qui paieront ces droits de douane, les répercuteront sur les clients sous la forme d’augmentations de prix », a ainsi répondu Andreas Geilenbruegge, responsable des évaluations et des analyses chez Schwacke.

Et l’analyste de poursuivre : « Les producteurs chinois bénéficiant de marges apparemment élevées, il est possible que les droits de douane soient absorbés. Dans ce cas, les taux proposés auraient un effet limité sur les marchés des voitures neuves et d’occasion. Si une part plus importante des coûts est répercutée sur le client par le biais d’augmentations de prix, les effets seront multidimensionnels ».

Les nouvelles marques auront plus de mal à s’implanter sur le marché des voitures neuves, où les livraisons de BEV sont déjà en baisse, selon M. Geilenbruegge qui ajoute : « Il sera également impossible d’obtenir des primes de prix adéquates sur le marché des voitures d’occasion. Dans l’ensemble, les prix de transaction des voitures d’occasion et les taux de leasing/location des voitures neuves augmenteraient à mesure que les volumes diminueraient ».

Importations de jeunes modèles d’occasion ?

Chez Autovista, on l’affirme : « Les constructeurs chinois ont déjà réduit leurs prix et ils essaieront probablement de compenser les nouveaux droits de douane. Dans le même temps, les marques européennes qui construisent des BEV en Chine ont moins de flexibilité dans leurs marges, ce qui rend les hausses de prix plus probables ».

Cela ouvre la possibilité d’une augmentation des importations de jeunes modèles d’occasion en provenance de pays comme la Norvège. Le gouvernement norvégien a en effet confirmé qu’il ne suivrait pas les tarifs douaniers de l’UE, car il n’a pas de constructeurs automobiles locaux à protéger. « Étant donné que les immatriculations de voitures neuves en Norvège sont également prises en compte dans les objectifs de réduction des émissions de CO2 des constructeurs, cette solution pourrait s’avérer attrayante pour certains constructeurs automobiles », relève-t-on chez Autovista.

On le voit : globalement, la nouvelle n’a pas fait bondir de joie le secteur automobile. Mais l’avenir de ces restrictions douanières semble finalement avant tout entre les mains… des Chinois. Affaire à suivre, dit-on classiquement dans pareils cas. A suivre de près, en l’occurrence.

#Auto

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